Par : Mohamed L. Eddah, Directeur de Laâyoune TV
Loin d’être une survivance archaïque ou le signe de temps révolus, la cérémonie d’allégeance ou Beia, est un acte symbolique fort que l’on retrouve dans différents pays.
Dans le monde musulman, la première Beia remonte à l’an 11 de l’Hégire, où, réunis à Mina, 12 hommes rencontrèrent le Prophète et lui prêtèrent allégeance en s’engageant à faire triompher les valeurs de l’Islam.
Mais cet acte d’attachement à sa patrie et sa communauté n’est pas l’apanage des Arabes ou des musulmans.
« Je jure allégeance au roi, aux statuts du royaume des Pays-Bas, et à la constitution. Je jure que j’effectuerai loyalement les fonctions qui me seront assignées. Ainsi aidez-moi Dieu tout-puissant ! (ceci que je déclare et affirme). »
C’est par cette phrase que les parlementaires néerlandais sont assermentés. Cette pratique que l’on retrouve dans plusieurs pays comme encore aujourd’hui dans la plupart des pays du Commonwealth ne pose problème à personne sur le plan symbolique.
Au Maroc, ces derniers temps, d’aucuns prônent l’abandon de la Beia qui, depuis toujours, fait partie de l’existence des Marocains, pour ne pas dire l’une de incontournables facettes de leur référent identitaire. Chez les habitants des provinces du sud, par exemple, la Beia est un acte religieux, répondant au principe qui stipule que tout musulman qui décède sans l’allégeance à un souverain meurt en mécréant. Chez les marocains des autres régions du royaume, la Beia est un acte sans lequel, on cesserait d’être ce que nous sommes, des marocains musulmans. Chez tous les marocains, la Beia représente l’un des piliers du royaume et par ricochet, l’une des conditions qui déterminent l’appartenance au pays. Elle représente l’un des symboles sans lesquels, le Maroc ne serait plus le Maroc. La place de la Tour Hassan à Rabat et le mausolée où reposent les défunts Rois Mohamed V et Hassan II, représentent, du point de vue foncier, une valeur inestimable où l’on pourrait bâtir des tours aussi belles et aussi commerciales que celles qui repoussent chaque jour la limite de la prouesse architecturale et qui feraient pâlir les tours de Dubaï ou de Malaisie. La Koutoubia à Marrakech a autant de valeur sur le plan mercantile que la tour Hassan à Rabat. Mais imaginer ces deux villes, sans ces deux monuments, c’est imaginer Paris sans la Tour Eiffel ou Londres sans Big Ben ou bien encore le Japon sans son empereur. Si ces monuments symbolisent ces villes ou ce pays, sans eux ces villes ou ces pays ne seraient plus ce qu’ils sont. Sans la Biea, le Maroc serait dépourvu d’un de ses symboles les plus forts et d’une partie de sa légitimité.
La Beia constitue un contrat moral qui lie le souverain et son peuple. Cet acte signifie l’engagement des deux parties à servir le pays dans le respect mutuel et à vivre autour de valeurs communes mutuellement approuvées et sanctifiées.
Si, depuis l’avènement de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, le pays a connu une grande ouverture démocratique et une grande souplesse dans le protocole, cela ne veut pas dire pour autant qu’une partie de nos valeurs et symboles ait été abandonnée ou détruite comme les statues des Bouddhas de Bâmiyân que les talibans croyant mettre fin à une ère, ont anéanties amputant de la sorte la culture afghane et mondiale de l’un de ses symboles immémoriaux.
Le Royaume-Uni vient de dépenser la bagatelle de 4,5 milliards de livres-sterlings pour célébrer quatre jours durant le jubilé de la reine. Malgré les difficultés dues à la crise économique qui secoue le monde et bien que les anglais soient généralement connus pour être vigilants sur les dépenses engagées en leur nom, ils n’ont pas lésiné sur les frais de la célébration de cet événement, participant à faire rayonner l’idée de leur pays à travers le monde. Toujours en Grande Bretagne, le serment récité par les citoyens d’honneur de la ville de Londres contient un serment d’obéissance au Lord-maire de la ville.
Le Japon, l’un des pays les plus développés de la planète, est fier de ses traditions, ses symboles et valeurs culturelles dont la révérence et la soumission à l’empereur. Il est resté accroché à ces valeurs et traditions qui n’ont, en rien, perturbé sa marche vers le progrès. Il est certainement possible de dire que si le Japon en est là où il est, c’est justement parce qu’il a su composer avec son patrimoine historique et bâtir dessus les bases d’un état solide qui a su fédérer ses atouts sur les plans humain, politique et économique. Quant à nous autres Marocains, nous devrions nous inspirer de cet esprit et savoir que le trône Alaouite constitue le ciment qui consolide notre unité et que l’allégeance fait partie de notre identité nationale que nous devons défendre et promouvoir.